Droits de propriété environnementaux

L’ICREI et les éditions Larcier publient une somme consacré au rôle des droits de propriété pour la protection de l’environnement, sous la direction de Max Falque.

Quelque vingt-huit juristes francophones et anglophones ouvrent de nouvelles perspectives relatives au rôle des droits de propriété pour protéger et gérer les ressources environnementales au service des humains et de la planète. Contrairement à la doxa de l’écologie politique, les droits de propriété sont au cœur de la civilisation et, sous réserve de les adapter aux nouveaux défis environnementaux, sont aussi le meilleur rempart contre les excès de la réglementation.

L’ouvrage rassemble les contributions de : Jonathan H. Adler, Jean-Marie Baland, Pierre Bessard, Philip Booth, Elizabeth Brubaker, Mouhssine El Hallioui, Richard A. Epstein, François Facchini, Max Falque, Laurent Fonbaustier, Gaële Gidrol-Mistral, Hannes Gissurarson, Benoît Grimonprez, Carole Hernandez Zakine, René Hostiou, Harvey M. Jacobs, Paul Johnson, Étienne Le Roy (†), Roger Meiners, Vanessa Monteillet, Christian Mouly (†), Bruce Pardy, Mark Pennington, Jean-Philippe Platteau, Alan Randall, Pierre-Frédéric Ténière-Buchot, Roger Meiners et Bruce Yandle.

Les essais rassemblés dans ce volume ont, comme par intervention divine, convergé vers une seule question vitale : un régime de droits de propriété privée est-il, et si oui comment, nécessaire ou suffisant pour atteindre les niveaux souhaités de protection de l’environnement ?

Richard Epstein

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Table des matières

Sommaire
Biographie des auteurs
Preface by Richard A. Epstein.
Préface de Laurent Fonbaustier

Introduction générale 🇫🇷

Section 1. – Genèse du présent ouvrage collectif
Une longue démarche
Un événement capital : le premier « Earth Day »
Rencontre avec Robert J. Smith au World Congress on Land Policy
Publication d’un article
Une évolution politique et médiatique
Une nouvelle étape

Section 2. – Droit de propriété et/ou réglementation
Sous-Section 1. – La propriété : une longue évolution
L’erreur de Jean-Jacques Rousseau
L’appropriation des ressources environnementales est possible
Droits de propriété : un concept en devenir
Les droits de propriété : une espèce menacée
Faire évoluer les droits de propriété
Conclusion
Sous-Section 2. – La réglementation environnementale et ses limites
Une autre voie
Toujours plus de réglementations

Section 3. – En guise de conclusion
Les conservatoires d’espaces
Autres solutions
La jurisprudence du « taking » aux États-Unis
Importance du contexte religieux et culturel
Contexte politique et idéologique
Que faire ?
Les risques d’une dictature écologique sont-ils imaginaires ?
Réintégrer la propriété privée dans la politique environnementale
Une mise en œuvre difficile
Le rôle du droit
Le développement durable : une erreur de parcours
Le rôle des idées
Des pistes de recherche juridique
Le principe de subsidiarité
Ressusciter les droits de propriété
Qui défend le concept de propriété privée dans le monde ?
Quelques propositions

General Introduction 🇺🇸

Chapter 1. – Genesis of this collective book
A long process
A major event: the first Earth Day
Meeting with Robert J. Smith at the World Congress on Land Policy
Publication of an article
A political and media evolution
A new step

Chapter 2. – Property rights and/or regulations

Part 1. – Property Rights: a long evolution
The error of Jean-Jacques Rousseau
The appropriation of environmental resources is possible
Property rights: a concept in the making
Property rights: an endangered species
Evolving property rights
Conclusion

Part 2. – Environmental regulations and their limits
Another path
More and more regulations
Regulation: at what cost?
Unlimited regulation
Regulation can contribute to corruption
Is France a victim of corruption?
Towards a “good” regulation

Chapter 3. – Conclusion
The conservation of sensitive areas
Other solutions
The jurisprudence of “taking” in the United States
Importance of the religious and cultural context
Political and ideological context
What to do?
Are the risks of an ecological dictatorship imaginary?
Reintegrating private property into environmental policy
A difficult implementation
The role of the law
Sustainable development: a wrong direction
The role of ideas
Avenues for legal research
The principle of subsidiarity
Resurrecting property rights
Who defends the concept of private property in the world?
Some proposals

Remerciements

Chapitre 1. – Property in ecology: an introduction 🇺🇸

Section 1. – Historical background
Section 2. – New perspectives
Section 3. – Garrett Hardin’s input
Section 4. – Fisheries
Conclusion

Chapitre 2. – L’importance sous-estimée de la propriété 🇫🇷

Section 1. – La propriété au cœur de la liberté
Section 2. – Le rôle de la morale judéo-chrétienne
Section 3. – La propriété : d’abord une convention sociale
Section 4. – La définition de la propriété
Section 5. – La propriété au cœur de la protection et de la gestion environnementale

Chapitre 3. – The Environment, Catholic Social Teaching and Public Policy 🇺🇸

Section 1. – Laudato si’: continuity with Church teaching
Section 2. – Practical policy concerns – private property
and the environment
Section 3. – Private property – the example of water
Section 4. – Good governance, the rule of law and environmental outcomes
Section 5. – Community management of environmental resources
Section 6. – Trade-offs, prices, and markets
Conclusion
References

Chapitre 4. – Property Rights : The Key to Environmental Protection 🇺🇸

Introduction
Section 1. – Defining property rights
Section 2. – Common-law property rights in an environmental context
Section 3. – From common law to statute law
Section 4. – Constitutional protection for private property
Section 5. – Statutory protection for private property
Section 6. – Reviving and nurturing a culture of property rights
Conclusion
References

Chapitre 5. – Le régime de la propriété en droit musulman et la protection de l’environnement, une gouvernance des ressources (cas du Maroc) 🇫🇷

Introduction
Section 1. – La mise en valeur « vivification » de la propriété en droit musulman en faveur de la protection des ressources naturelles
Section 2. – Propriété melk, source à la préservation de l’environnement
Section 3. – Les terres habous, protectrices de la biodiversité ?
Conclusion

Chapitre 6. – Property Rights: Long and Skinny 🇺🇸

Section 1. – State of Nature: Private Property and the Commons
Section 2. – Natural law: Commonalities Found in All Legal Systems
Section 3. – Long and Skinny in the State of Nature
Section 4. – The Transition to State Governance
Section 5. – Distinctive Problems of the Long and Skinny
Section 6. – Jurisdictional difficulties
Section 7. – Permitting Paralysis
Conclusion
References

Chapitre 7. – Des droits de propriété au service du développement économique et de l’environnement : Un projet commun pour les deux rives de la Méditerranée 🇫🇷

Introduction

Section 1. – Développement économique et protection de la nature
I. – L’avènement d’une société postindustrielle
II. – La baisse de la pression démographique
III. – Rendement agricole et baisse de la pression foncière
IV. – Moins de pauvreté c’est moins de pression sur la nature
V. – plus de revenus, c’est plus d’intérêt pour la protection de la nature

Section 2. – développement économique, protection de la nature et droit de propriété
I. – droit de propriété et développement économique
II. – droit de propriété et protection de l’environnement
III. – Responsabilité et propriété

Section 3. – Droit de propriété, sous-développement et mauvaise performance environnementale dans les pays des rives non-européennes de la méditerranée
I. – Démocratie, droit de propriété et culture musulmane
II. – Droit musulman et protection de l’environnement
conclusion

Chapitre 8. – Considérations philosophiques, juridiques et constitutionnelles sur le droit à l’environnement 🇫🇷

Section 1. – Hétérogénéité des contours et de la substance du droit à l’environnement
I. – Le titulaire et la nature juridique d’un « droit à l’environnement »
II. – Le problème du périmètre et de l’extension du droit à l’environnement

Section 2. – Complexité des enjeux et défis sous-tendant sa consécration
I. – La possibilité d’un risque : le droit à l’environnement comme « cheval de troie »
II. – Ce dont le « droit à l’environnement » peut devenir le nom
Bibliographie

Chapitre 9. – La destinée environnementale du droit des biens 🇫🇷

Section 1. – L’environnement à l’épreuve des outils du droit civil
I. – La fiducie d’utilité sociale : un patrimoine exempté de propriété
II. – La servitude de conservation : une propriété avec charge
III. – L’affectation à un but durable : une propriété collective

Section 2. – les concepts du droit civil à l’épreuve de l’environnement
I. – La perpétuité
II. – L’affectation
III. – L’exclusivité
IV. – Les pouvoirs
Conclusion

Chapitre 10. – Good Fences make Good Neighbours 🇺🇸

Section 1. – “Wise use environmentalism” v. “Eco fundamentalism”
Section 2. – Reconciling interests: Ronald Coase v. Alfred Pigou
Section 3. – Emergence of Property rights in the court
Section 4. – Property rights to tame conflicts and increase affluence

Chapitre 11. – La fonction environnementale de la propriété 🇫🇷

Pax romana.
La propriété sacralisée.
La propriété sacrifiée.
La propriété ressourcée.

Section 1. – La fonction environnementale passive
Droit de la nature contre droit naturel.
I. – Fonctionnalité écologique et structure du droit
Internalisation des contraintes
Le discours du démembrement.
Le discours de l’exclusivisme
II. – Fonctionnalité écologique et accomplissement du droit
Géométrie dans l’espace.
Police des usages.
Statut des biens.
Éclatement de la propriété.

Section 2. – La fonction environnementale active
Propriété affectée
I. – La maîtrise de la nature
Maître et protecteur de la nature.
Maîtrise foncière.
Maîtrise d’usage.
L’être et l’avoir.

II. – La maîtrise des pollutions
Propriété-garantie.
Propriété des droits
« Nature humaine ».

Chapitre 12. – Expropriation et environnement. Variations autour de la notion d’utilité publique et de la théorie du bilan 🇫🇷

I. – De l’utilité publique d’une opération d’expropriation et de la priorité donnée à la protection de l’environnement
II. – De l’utilité publique d’une opération d’expropriation et de la priorité donnée par le juge aux projets d’aménagement

Chapitre 13. – Old idea, new realities: The continuing relevance of private property? 🇺🇸

Introduction
Section 1. – Old Idea
Section 2. – New Realities
Section 3. – Private Property in the 21st Century

Chapitre 14. – Freeholds and freedom: The importance of private property in promoting and securing liberty 🇺🇸

Conclusion

Chapitre 15. – Les communs et le droit de la propriété
Entre concurrences et convergences 🇫🇷

Un thème récent

Section 1. – Un désir d’absolutisme au fondement du droit de propriété et des institutions de la modernité
I. – L’invention de l’état
II. – L’invention du marché généralisé et le capitalisme
III. – L’invention de l’individualisme
IV. – Ce que je retiens de l’ensemble de ces mouvements d’idées, de jeux sur les institutions et d’innovations conceptuelles est l’efficacité du modèle logique qui structure ce remodelage « moderne »

Section 2. – La redécouverte des communs, entre confrontations et accommodements pratiques avec la propriété
I. – Trois lectures du retour des communs
II. – Une autre logique d’organisation sociale
III. – Une autre juridicité
Bibliographie

Chapitre 16. – Contractualisation et/ou réglementation ? Pour une diversification des sources du droit de l’environnement. 🇫🇷

Droit public/droit privé : Concurrence ou complémentarité ?
Les utilités du contrat.
La nécessité du contrat.

Section 1. – La contractualisation, utile complément de la réglementation environnementale
I. – L’effectivité des exigences environnementales assurée par la gestion contractuelle
II. – L’efficacité des exigences environnementales améliorée par la gestion contractuelle

Section 2. – La contractualisation, irréductible composant de la réglementation environnementale
I. – Le recul assumé de l’ordre public au profit des volontés individuelles
II. – La place privilégiée du contrat dans la réglementation environnementale

Chapitre 17. – Propriété publique, propriété privée et justice 🇫🇷

Avertissement
Introduction

Section 1. – Éléments d’histoire et d’expérience empirique sur la justice des propriétés publique et privée
I. – Les transferts massifs entre propriété publique et propriété privée
II. – Le sort des propriétés collectives, principalement publiques :
La « Tragedy of The commons » (La TragÉDIE DE La vaINE PâTUrE)

Section 2. – Éléments de théorie et économie du droit sur la justice des propriétés publique et privée
I. – La justice du marché
II. – Justice intrinsèque de la propriété privée
III. – La moindre justice de la propriété publique
Les incitations
Les effets

Section 3. – Éléments de philosophie et de spiritualité sur la justice des propriétés publique et privée
I. – L’histoire
II. – La conciliation de la propriété privée avec l’éthique

Section 4. – Critères de distinction entre propriété publique et propriété privée, au regard de la propriété collective
I. – La propriété publique
II. – Les sociétés
Conclusion

Chapitre 18. – Property Rights and Ecosystem Services 🇺🇸

Introduction

Section 1. – Ecosystem services and proposals to protect them
I. – Ecosystem services
II. – Proposals to protect ecosystem services

Section 2. – The logic of ecosystems
I. – Ecosystems
II. – The logic of ecosystems: competition, natural selection, and evolution

Section 3. – Flaws in the premises of proposed actions
I. – Premise 1: ecosystem services are distinct features or processes that can be specifically protected
II. – Premise 2: the economic value of es depends upon their importance
III. – Premise 3: harms caused to es are negative externalities

Section 4. – Property rights and markets
I. – Property rights: the rule of non-interference
II. – Markets: systems of property rights exchange
III. – Property rights and es
Conclusion

Chapitre 19. – Ostrom and the new institutionalism: Rethinking institutions and incentives 🇺🇸

Section 1. – A new perspective
Section 2. – Ostrom and the new institutionalism: rethinking institutions and incentives
Section 3. – Socio-ecological systems and design principles for common-pool resources
– Boundaries to facilitate exclusion
– The importance of internal rules
– The importance of locally adapted rules
– The importance of monitoring and enforcement
– Dispute resolution
– Interaction between systems of rules
Section 4. – Action situations and institutional implications
Section 5. – The presumption against central planning
Section 6. – The role of the state in environmental resource management
Section 7. – Ostrom and the classical liberal tradition
Conclusion: Ostrom and the need for a new economics
References

Chapitre 20. – La propriété privée des ressources naturelles est- elle inévitable ? les enseignements de l’approche économique 🇫🇷

Introduction

Section 1. – L’efficacité comparative des différents systèmes de propriété
I. – Absence de propriété versus propriété
II. – Propriété privée versus propriété communautaire : considérations générales
III. – Propriété privée versus propriété communautaire : le rôle des coûts de gouvernance
IV. – Propriété privée versus propriété communautaire : le rôle des coûts directs de transaction
V. – Propriété privée versus propriété communautaire : le rôle des coûts d’opportunité de la privatisation
Considérations finales
Bibliographie

Chapitre 21. – Property Rights, Common Law and the Environment Individualistic Solutions are seldom enough 🇺🇸

Introduction

Section 1. – Property Rights and the Environment
I. – The Enlightenment
II. – Property and liberty
III. – The origin of rights
IV. – Property rights in modern economics
V. – Market failure, government fix
VI. – The property rights approach
VII. – Modern incentive theory and the isolation paradox
VIII. – Property rights, incentives and the environment

Section 2. – Tort Liability in Common Law
I. – Common law
II. – Torts in common law
III. – Tort liability and the coase theorem
Section 3. – Property Rights, Tort Law and the Environment
Section 4. – In retrospect, it has all been Part of a larger scheme
Conclusion
References

Chapitre 22. – La responsabilité, le Partage et l’âne de Buridan 🇫🇷

Beaucoup de bruit pour rien !?
Faire l’âne paraît moins simple que de l’être
Épargner les soumis et dompter les superbes ?
Les principes salvateurs d’une dystopie redoutée
Ne jamais exclure la possibilité d’un mandarin citron
La propriété dans tous ses états
Lancer des conjectures, action nécessaire, ne suffit pas à les rendre durables
Bibliographie

Chapitre 23. – American Common Law and the Environment 🇺🇸

Introduction
Section 1. – The Law of the Land
Section 2. – Protecting the Environment
Section 3. – Surface Water
Section 4. – Land and Underground Water
Section 5. – Air
Section 6. – The Statute Law Substitute
Section 7. – Common Law Today
Section 8. – Environmental Law in a Time Capsule
Final Thoughts

Chapitre 24. – Quelle propriété dans la transition agroécologique ? 🇫🇷

Un nouveau paradigme
Section 1. – Le patrimoine commun ou la fin du pouvoir exclusif du propriétaire
I. – Produire autrement
II. – De l’individualisme au commun
Section 2. – Une approche collective des intrants en agriculture et tensions irrésolues entre production et gestion collective
Conclusion : Que faire pour redonner une légitimité à l’agriculture dans un contexte d’affaiblissement incontestable de la propriété privée exclusive ?

Index

Préface

Comment faire confluer aujourd’hui propriété et environnement, notions qui si longtemps s’observèrent en « chiens de faïence », un peu à la façon de l’écologie et l’économie, pourtant enracinées dans une commune étymologie (l’oikonomia intéresse en effet à l’évidence les deux sphères) ? Placer les idéologies à côté de soi et mettre un genou à terre, comme on déposerait les armes serait pourtant rien moins que salutaire, alors que certaines positions semblent se radicaliser (sur fond d’autres rapports aux racines, certes) chez les tenants d’un libéralisme parfois caricaturé comme chez ceux d’une écologie faisant étonnamment fi de considérations anthropologiques et techniques aux implications historiques lourdes.

En acceptant de réduire nos vues à l’examen d’un Occident qu’on craindra toujours de localiser et d’essentialiser par de hâtives généralisations, il y a fort à parier que l’avenir sera à son tour propriété de celles et ceux qui seront aptes à faire ou dépasser la synthèse entre diverses traditions, sachant que les appartenances individuelle et collective diffèrent parfois en considération de l’identité du bénéficiaire d’un droit mais à d’autres égards du fait d’une gouvernance ou de modes de gestion qui conduisent
tout autant à les distinguer. En marge de modèles qui prônent un inventaire des bienfaits historiques et avant tout des méfaits de la propriété privée, en réalité surtout lorsqu’elle dérégulée, inflatée et isolée d’un ensemble dont elle relève pourtant, on voit bien aujourd’hui de quelle manière sont ressuscitées diverses doctrines des Communs. Très loin pourtant de vieux épouvantails (revêtus des catastrophes politiques ayant accompagné certains récents collectivismes), encore aujourd’hui trop souvent brandis pour n’avoir surtout pas à penser l’alternative, les réflexions contemporaines sur les entités communes sont porteuses d’un irréductible holisme. Les continuités spatio-temporelles qui illustrent et accompagnent ou traduisent ce dernier représentent à leur tour un défi pour les approches parcellaires et étanches d’un individualisme politique mal compris, naguère aggravé par les sombres perspectives d’un néolibéralisme économique faisant rarement grand cas des ensembles. Pourtant, sauf à penser que tout puisse devenir collectif, commun (mais alors, où sont les gérants, qui sont les garants ?), il va bien falloir faire la place à des rencontres, à autre chose qu’à des adossements et tant d’autres frictions, au grand télescopage : comment articuler les temporalités, jointoyer et cartographier désormais les espaces en rapiéçant la tunique sans couture de l’environnement ? Saura-t-on s’accommoder des superpositions nombreuses, comme celles révélées par l’enchevêtrement d’un patchwork de propriétés foncières privées
avec l’idée qu’il existe sur les mêmes territoires et paysages, audessus ou en surplomb en quelque sorte, un patrimoine commun de la nation voire de l’humanité ou s’appartenant lui-même ?

Sachant qu’en tout état de cause, les enjeux pour l’environnement ne sont pas uniquement ceux inhérents aux propriétés foncières (qui certes, dans une économie capitalistique extractiviste, demeurent un puissant déterminant), mais bien autant des problématiques énergétiques reliées à une théorie des flux qui, du côté des juristes au moins, reste à inventer. Car produire et consommer finit, dans un monde globalisé et complexe, par renvoyer à d’innombrables strates de relations, de modalités entre les êtres, les ressources et les lieux, les cadres classiques de la propriété et de la responsabilité finissant par imploser sous les assauts de causalités entrelacées ou parallèles. Parce qu’en effet, finissons par le dire : de quoi, au juste, suis-je précisément propriétaire, comment et jusqu’où, lorsque je tiens entre mes mains un objet fabriqué en Asie, à partir de matières premières importées d’Afrique, ayant transité par l’Amérique et dont la conception, la fabrication, le transport et la vente reposent à leur tour sur d’autres propriétés, incorporelles, immatérielles, abstraites quant à elles, composées de droits et de brevets, de clauses et de garanties ? Puis-je autrement qu’en l’incluant dans de vastes ensembles eux-mêmes traversés de continuités écosystémiques raviver la propriété foncière privée en faisant fi des limitations indispensables qu’apporteraient les lectures fonctionnalistes (la fonction écologique du droit de propriété) susceptibles d’emporter sa réorientation tout en justifiant d’imposantes servitudes ?

Quoi qu’il en soit, si la querelle autour de la tragédie des communs n’est point résolue et s’il demeure aujourd’hui pertinent de se demander de quelle manière et jusqu’à quel point la propriété privée peut être mise techniquement au service d’une préservation de l’environnement, c’est à condition de ne point oublier qu’il n’existe aucune unité réelle de régime ou de composition d’une telle propriété. Ce qui signifie d’une part que la destruction de l’environnement tout comme la raréfaction des ressources naturelles aussi bien que les menaces climatiques peuvent se déployer au profit (mais dans quelle mesure ?) de certains propriétaires et au détriment d’autres, si bien que la ligne de partage opère désormais moins entre environnement et propriété qu’entre environnement et formes d’entreprises sur le monde avec des répercussions différenciées sur la propriété. Peut-être aussi, et d’autre part, parce que les perspectives libérales historiques nous mettent aux prises avec les racines lockiennes de la property qui, bien avant d’être constituée des prolongements physiques de la personne justifiées par le travail, est intimement liée à l’énigme fondatrice de la propriété de soi…

Ces brèves considérations permettent d’ouvrir un propos qui invite les lectrices et lecteurs français à mieux se familiariser avec nombre d’auteurs anglo-saxons presque totalement inconnus en France, dans le cadre d’une nouvelle étape qui autoriserait enfin un bénéfice d’inventaire articulant peut-être plus finement propriété et environnement. À cet égard, il est peu étonnant que les doctrines d’un droit privé, y compris français, en pleine effervescence autour du contrat, de la responsabilité mais également des biens et de la propriété, montent aujourd’hui en puissance. Lorsque les temps changent, il paraît juste et bon de revenir à l’ensemble des concepts et principes fondateurs. Et Max Falque, l’infatigable, nous paraît ainsi fondé à publier cet ouvrage collectif qui tout à la fois donne à voir et nourrit le récent intérêt collectif, aujourd’hui frémissant, des juristes francophones pour les relations profondes et complexes qui unissent propriété et environnement. Qui qu’on soit, l’exigence académique et citoyenne impose de toujours prendre patiemment le temps de lire un ennemi, ou moins dramatiquement la doctrine avec laquelle on est en apparent ou profond désaccord. Un tel effort, qui devrait mobiliser toutes les énergies, contribuerait à l’engendrement de nouvelles impressions doublées d’une nouvelle promesse : celle qu’on peut encore repartir vers autre chose. Mais pour cela, un seul mot d’ordre, peut-être : « Juristes de tous les pays, unissez-vous ! ».

Laurent Fonbaustier
Professeur agrégé des Facultés de droit
Université Paris-Saclay